Lettres ouvertes à Vieux Farka Touré

Vieux Farka Touré: Ne jouez pas à Eilat, placez vous du bon côté de l’histoire, ne divertissez pas l’apartheid
BDS Afrique du Sud, le 15 juin 2015 (Traduction : J. Ch.)

https://www.bdssouthafrica.com/wp-content/uploads/2015/06/Letter-Vieux-Farka-Toure.pdf  

Cher Vieux Farka Touré,

Nous faisons référence à votre projet de concert au Festival de Jazz de la Mer Rouge d’août 2015 à Eilat, Israël, dont nos camarades aux Etats-Unis nous ont transmis les détails. En tant que BDS d’Afrique du Sud, nous faisons partie de la Campagne Palestinienne pour le boycott Universitaire et Culturel d’Israël (PACBI) et nous soutenons leur appel pour que vous respectiez le boycott d’Israël.

Nous savons que PACBI vous a fait un courrier relatant l’impact de l’apartheid, de l’occupation oppressante et illégale des territoires palestiniens par Israël, aussi bien que de sa violation flagrante des droits fondamentaux des Palestiniens. Nous n’avons pas l’intention de reprendre cette énumération dans notre lettre.

101522103__376769cL’objet de cette lettre est de vous écrire en tant qu’amis africains qui ont vécu et continuent de vivre à l’ombre de l’héritage du colonialisme et de l’apartheid qui plane au-dessus de nous. Heureusement pour nous, en partie grâce à l’immense soutien des entités et des individus qui, à travers le monde, ont défendu le boycott de l’Afrique du Sud de l’apartheid, un nouvel ordre démocratique et égalitaire est né il y a 21 ans. Et pourtant, l’héritage brutal de l’apartheid continue d’infester notre société. En tant que camarade africain, dont les ancêtres ont traversé les années tumultueuses du colonialisme et de la résistance à l’oppression de la domination coloniale, nous sommes sûrs que vous comprendrez l’état de ceux, tels les Palestiniens, qui continuent à souffrir sous l’occupation, l’oppression et la torture.

Votre collaboration avec M. Idan Raichel qui, comme vous le savez peut-être, est un fervent supporter de la politique discriminatoire d’Israël et de ses forces de défense, a toujours été inquiétante. Et pourtant, bien plus troublante est votre intention de rompre le boycott culturel contre Israël en allant participer au Festival de Jazz de la Mer Rouge à Eilat. Si vous persistiez dans votre décision de participer à cet événement, ou à tout autre événement en Israël jusqu’à ce qu’il mette fin à sa politique d’occupation et de répression contre les Palestiniens, votre conduite serait un vrai signal d’indulgence envers la politique illégale d’oppression de l’Israël d’apartheid envers les Palestiniens. Cet acte constituerait une tache sur la fière histoire des Africains qui se sont dressés contre l’oppression, l’occupation et le colonialisme. Ce fut votre amie musicienne du Sahel, Dimi Mint Abba que votre respecté père avait chaudement recommandée, qui a plaidé pour la destruction de l’apartheid en Afrique du Sud à travers sa musique. Elle a non seulement chanté, mais elle a transformé son art en instrument d’opposition à un système nuisible de discrimination et de souffrance.

Dimi Mint Abba a proclamé haut et fort dans une chanson : « Oh Seigneur, Fais s’écraser l’apartheid ! L’apartheid, c’est la colonisation sans une once d’humanité… Un criminel, au crime si abondamment clair, un oppresseur de tant de personnes chéries… »

En tant qu’amis Africains et victimes de l’apartheid en Afrique du Sud qui se dressent solidaires de leurs frères et sœurs palestiniens opprimés, nous vous prions de respecter et de soutenir le boycott contre l’Israël d’apartheid en ne vous produisant pas au Festival de Jazz de la Mer Rouge à Eilat et, comme votre prédécesseur et amie artiste du Sahel, Dimi Mint Abba, de transformer votre voix et votre influence d’artiste en un magnifique et puissant instrument qui reconnaisse la dignité de l’impuissant et qui dise la vérité au puissant.

Lorsque les artistes et les sportifs ont commencé à refuser d’aller jouer en Afrique du Sud de l’apartheid, les yeux du monde entier se sont tournés vers les injustices qui y étaient accomplies. Ceci a alors entraîné une vague de pression qui a finalement contribué à la création d’une Afrique du Sud libre, démocratique et non-raciale. La même chose est non seulement possible en Palestine-Israël, mais également inévitable. La question est : « De quel côté de l’histoire veut-on être ? Se produire en Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1980 – en violation de ce que nous, Africains du Sud noirs et nos alliés blancs, demandions – signifiait se trouver du mauvais côté de l’histoire. Aujourd’hui, se produire en Israël – en violation de ce que les Palestiniens opprimés et leurs alliés progressistes israéliens ont demandé – c’est choisir d’être du mauvais côté de l’histoire. Nous espérons que vous choisirez d’être du bon côté de l’histoire et que vous n’irez pas divertir l’apartheid.

Sincèrement vôtre,

Kwara Kekana, porte-parole du BDS d’Afrique du Sud